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De grâce ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit le droit au silence devant les juridictions pénales



Mohammed AYAT**

« Le silence est en or, la parole est d'argent » affirme un proverbe arabe. Et l'on est, dit-on, maître de son discours avant de le rendre public mais non point après. Les civilistes affirment en matière de consentement lorsque la situation exige  que  la personne  s'explique et qu'elle s'abstienne de le faire «qui ne dit mot consent ». Mais ils sont partagés sur la question car d'autres affirment  qu'on  ne  peut imputer de discours à celui qui se tait. Parage d'opinion qui révèle la relation complexe ( pour  ne  pas  dire  la complicité parfois )  qui existe entre le silence et la parole. Car en l'interprétant, à tord ou à raison, le silence devient loquace.

La parole est l'apanage de l'être humain et sa fonction, son intérêt et sa valeur dépassent la  seule  sphère  de la justice. Ce papier se limitera cependant à proposer quelques éléments pour un débat sur le droit au silence devant les différentes instances de la justice pénale. Ce droit au silence a  été largement  discuté  au  sein  du système juridique anglo-saxon, et plus précisément par les  pénalises  américains  ( notamment  pendant  les années  soixante ) . IL importe de  s'interroger sur son fondement (§I) avant  de  s'arrêter  devant  quelques aspects de ses manifestations (§II).
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* Cet article est une contribution de l'auteur congrès de l'Association internationale des avocats tenu à Fès en mai 1996 sur le thème  «la preuve en matière civile et pénale ».
**) Professeur et chef de département de droit à la faculté de droit Rabat-Souissi, avocat au  Barreau de Rabat, expert des Nations-unies au tribunal International du Rwanda.
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L. Fondement du droit silence
Pouvoir s'exprimer est un des droits fondamentaux de l'être humain (1). Or, celui qui peut le plus le moins. Le silence étant à première vue une abstention et non une action semble au premier abord moindre que la parole. Celui qui a le droit de parler devrait avoir à plus forte raison le droit de se taire.  IL n'en demeure pas moins que le silence est aussi une attitude qui recèle souvent une expression. En matière pénale le droit du suspect à garder le silence devant ceux qui l'interpellent ou l'interrogent est une prérogative destinée à la protéger contre l'auto-accusation (self-incrimination). Cette prérogative repose selon notre perception sur plusieurs normes fondamentales parmi lesquelles on peut citer la présomption d'innocence (A) et la nécessité de respecter les droits de la défense(B).

A. Droit au silence et présomption d'innocence
Dans sa formulation théorique pure, le principe de présomption d'innocence signifie que toute personne doit être  considérée et traitée comme étant innocente quels que soient les soupçons ou les charges qui pèsent sur elle et jusqu'au moment où un jugement irrévocable rendu en bonne et due forme retient sa culpabilité (2). Cette présomption n'a pas été expressément prévue ni par notre constituant ni par notre législateur. Cependant, elle est loin d'être ignorée par notre droit criminel. Dans ce sens, l'introduction du projet de loi de notre code de procédure pénale actuel souligne que ce code est largement inspiré du principe proclamant que tout individu est innocent jusqu'à preuve du contraire. Qu'il s'agisse d'un délinquant primaire ou récidiviste (3).

L'une des conséquences majeures de ce principe a trait à la charge de la preuve de la culpabilité. Cette charge incombe en règle générale au ministère public (4). Il en résulte a contrario que le suspect réputé innocent n'a pas à prouver son innocence. Dès lors, théoriquement il devrait être libre aussi bien de s'exprimer que de garder le silence à toute fin utile. Et l'on peut considérer que cette dernière que cette dernière tactique peut, s'avérer fructueusement à titre 
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1)voir notamment les art. 19 de la déclaration universelle des droits de l'Homme du 10 décembre 1948 et de la convention internationale relative aux droits civiques et politiques du 16 décembre 1966. Voir aussi l'article 9 de la constitution marocaine.
2)Cf. Jalal Essaïd , la Présomption d'innocence, éditions la prote, Rabat 1971, p. 17 et Mohammed Ayat, « Procédure pénale et constitution au Maroc », in collectif sous la direction de Mohieddine Amzazi, Droit pénal et constitution, Imprimerie Oumnia, Rabat 1995, p. 135-167, p. 152.
3)CF. Mohammed Ayat, «la preuve en procédure pénale marocain », in «la preuve en procédure pénale comparée », Revue internationale de droit pénal. 63e années 1992 ERES Toulouse 1992, p. 251-272, p.253 soulignons ici que le dernier projet de réforme du code de notre procédure pénale toujours en  gestations introduit expressément la présomption d'innocence dans son  article premier.
4)cette règle générale connaît plusieurs exceptions légales et jurisprudentielles qui renversent la charge de la preuve au dépens du suspect. Sur le droit marocain voir Mohammed Ayat, la preuve en procédure pénale marocain, op. Cit. ,P. 254 et SS.
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Provisoire en attendant l'assistance d'un conseil, mais rien n'empêches (dans l'abstrait) qu'elle puisse durer ensuite plus ou moins longtemps pour les besoins de la défense. Elle peut être même définitive ; par exemple en guise de protestation contre un procès perçu comme étant injuste (5). L'histoire nous rappelle cas célèbres dans ce sens (6). 

Nous savons,  par ailleurs que, contrairement aux témoins la personne poursuivie devant la justice ne prête pas serment (7). Un des fondements de cette règle renvoie au fait qu'on ne doit pas obliger un suspect sous le poids du serment à s'accuser lui-même ou à commettre un parjure en se trouvant obligé de la raconter des mensonges (8). Ce qui entraîne dans la première hypothèse un renversement inacceptable de la charge de la preuve en faveur de l'accusation et dans la seconde hypothèse une sorte d'extorsion de l'aveu. D'un autre côté, si l'on est théoriquement admis à se défendre même par le biais du mensonge on devrait être à plus forte raison autorisé à se taire que se soit pour assurer sa défense ou non. Ces réflexions sur le droit au silence que nous avons rattaché au  principe de la présomption d'innocence nous amènent à évoquer d'autres que l'on peut associer plus étroitement aux droits de la défense. 

B. Droit au silence et droit de la défense
Notre procédure pénale est essentiellement d'inspiration inquisitoire pendant les premières phases de la  poursuite judiciaire  (enquêtes préliminaire et instruction préparatoire). Elle est - sans écarter quelques tempéraments remarquables basés sur des investigations où prédominent le secret (le silence de la procédure !), L'écrit et la non contradiction (le mutisme !). En revanche, elle est nettement d'inspiration accusatoire durant la phase du procès. Ce dernier est en  principe public oral et contradictoire (9).

Bien que le droit au silence présente un intérêt certain lors de ces deux phases son importance semble primordiale pendant la première. En effet, c'est là où se trouve l'entrée 
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5)on peut imaginer également un silence lié à un traumatisme provoqué par le contact avec l'appareil judiciaire sur des sujets très fragiles. Notre intérêt est limité en l'occurrence au silence volontaire et non pathologique. 
6)Merle et Vitu en citent quelque uns : le Chirst devant le sanhédrin, le général Gamelin en 1942 devant la cour suprême de justice siégeant à Riom et le Maréchal Pétain lors de son procès en 1945. Merle et Vitu, op. Cit. p. 166
7) ceci est vrai dans notre droit et en droit français. Il faut remarquer cependant que le système anglo-saxon permet d'entendre le suspect qui plaide non coupable en tant que témoin dans le cadre d'un  interrogatoire intitulé «Gross examination», cf. A propos  de la Grande Bretagne  (criminal évidence act 1898). Sur l'interdiction de l'auto-accusation voir aussi l'art. 14 al. 3 g. de la convention internationale relative aux droits civiques et politiques du 16 déc. 1966
8)voir Merle et Vitu, «Traité de droit criminel », Cujas, paris 1973. P. 165.
9)voir Mohammed Ayat procédure pénale marocaine » Editions babel, rabat 1991 tome 1, p. 44 et SS.
(Ouvrage en arabe)
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Du système judiciaire (10). Et si cette entrée est obscure et incertaine l'opacité du silence si l'on peut employer ces métaphores peut lui être opposée pour tenter d'éviter ses embûches.

En effet, c'est hors des premiers stades de la procédure d'investigation et de poursuite que les droits de la défense risquent la plus souvent d'être bafoués. Un risque probable quelle que soit la nature inquisitoire ou accusatoire du système répressif (contrairement à ce que l'on aurait tendance à imaginer au premier abord) (11). Le droit au silence proclamé et activement mis en œuvre peut être un bouclier contre les abus possibles commis lors des interrogatoires policiers. L'histoire de la justice pénale nous enseigne que la torture était autrefois un système légal  pour obtenir l'aveu du suspect. L'aveu étant mis sur un peidestal et qualifié de reine des preuves. Malheureusement cette sollicitude accordée aux confessions n'a jamais totalement disparue. Et la police judiciaire au nom d'une efficacité discutable risque parfois de déraper sur des terrains glissants sur le plan de la légalité et de la loyauté de l'obtention de la preuve. Ce qui est vrai d'ailleurs pour toute autre autorité habilitée à effectuer l'interrogatoire. Le respect du droit du suspect en silence est susceptible de tempérer l'élan des investigateurs dont l'excès de zèle peut entraîner vers des pratiques immorales et irrégulières. C'est dire que le droit au silence peut contribuer à assurer le respect de la dignité du justiciable et sa sécurité physique et psychique. 

Par ailleurs, le droit au silence permet au suspect d'éviter de faire des  déclarations hâtives ou maladroites susceptibles de lui porter injustement préjudice. Il peut contribuer en quelque sorte à favoriser une justice sereine. Bien entendu-il n'y a pas unanimité sur ce genre d'appréciation. Certains auteurs soutiennent que le droit au silence risque de désarmer sérieusement la réaction sociale à l'encontre des délinquants et notamment les plus astucieux et les plus dangereux. Cependant, il importe de souligner que dans le procès  pénal (dans le sens le plus large de ce terme) le suspect se trouve, pour ainsi dire, seul devant la machine judiciaire. Une machine qui représente l'état et en principe tout le corps social. Une machine géante, puissante, qui a outre ses points forts, ses rituels, ses réflexes, ses pesanteurs et même ses tares. Or, un des rituels essentiels de ladite machine est d'interpeller, d'interroger et donc de susciter la parole. Parole qui n'est pas neutre. Parole dont la substance peut se muer en épée de Damoclés menaçant le suspect de le priver de ses droits légitimes essentiels. C'est pourquoi   une conception libérale jalouse des libertés individuelles militerait à coup sûr pour le droit du suspect au silence. La mise en œuvre d'une telle conception aurait pour conséquence négative et regrettable de permettre à 
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10)comme ont l'habitude de le désigner les criminalistes américaines !
11)sur ces abus dans la pratique policière américaine voir jérôme H. Skolnick «Deception by police in Michael c. Braswel belinda R. Mccarthy and bernard j. Mccarly « justice crime and ethics » CJ Anderson cincinati ohio 1991, p. 57-83
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Quelques coupables d'échapper au filet tendu aux délinquants par la justice. En revanche, elle aurait le mérite incontestable d'essayer d'épargner tous les innocents.

Sous une optique fonctionnelle plus étroite le droit du suspect au silence apparaît comme un prélude à une organisation judicieuse de la défense. Dans ce sens, il consiste tout simplement en la possibilité de s'abstenir de s'exprimer avant de prendre contact avec un avocat. L'assistance d'un conseil s'inscrit dans la logique d'un système de contradiction où des intérêts opposés se confrontent et où  la justice est sensée émerger des tumultes d'un débat libre et éclairant pour le juge. Elle n'est donc pas un luxe pour le défenseur au procès pénal (fut-il même bon  juriste compte tenu du désarroi généralement provoqué par le contact avec le système judiciaire). Elle fait partie par ailleurs des garanties nécessaires pour rendre une bonne justice. Le droit au silence permet au suspect (s'il le désire) de ne s'engager dans les dédales du procès qu'une épaulé par la précieuse expériences d'un spécialiste en droit. Un atout destiné entre autre à lui faire  prendre conscience de la gravité de tout propos inconsidéré.

Les réflexions précédentes demeurent essentiellement théoriques. Elles appellent de ce fait une réflexion sur la mise en œuvre pratique du droit au silence.

II. Manifestations du droit au silence
La règle accordant au suspect un droit au silence est généralement consacrée d'une manière explicite et formelle par les codes faisant partie du système juridique anglo-saxon, et ce depuis les premières phases de l'entrée en contact du suspect avec la justice pénale. D'un autre côté le système pénal d'inspiration latine dont  fait partie notre code de procédure criminelle n'ignore pas le droit au silence. Cependant, il est encore assez souvent loin de la consacrer avec la vigueur et la clarté système anglo-saxon.

A. Consécration du droit au silence par le système pénal anglo-saxon
Le système pénal anglo-saxon est de nature fondamentalement accusatoire. Certes, la police y joue - comme dans le système d'inspiration inquisitoire - un rôle important dans la recherche des preuves des infractions et l'appréhension des délinquants. Mais les impératifs dictés par le caractère accusatoire de la procédure depuis ses premiers stades commandent d'entourer les investigations policières d'un certain nombre de garanties en faveur de la défense. Parmi, les garanties les plus saillantes on trouve le droit de suspect au silence et son corollaire de droit à la l'assistance d'un conseil. Comme exemple du système anlo-saxon nous retiendront la situation actuelle de deux pays la Grande Bretagne et les Etats-Unis.

a. L'exemple de la grande Bretagne
En grande Bretagne, les fameuses (Judges Rules) élaborées par les juges du Banc du Roi entre 1912 et 1930 retiennent expressément le droit au silence du suspect devant la police. La police a la faculté de recueillir les preuves de l'infraction y compris les déclarations des témoins. Mais dès qu'elle s'avise à s'adresser à un individu en tant que suspect elle doit immédiatement l'informer de son droit absolu de ne pas répondre aux questions qui lui sont adressées par l'officier de police. L'enquêteur en l'occurrence doit avertir le suspect avant de l'interroger dans les termes clair suivants : «Désirez vous dire quelque chose en réponse à cette accusation ? Vous n'y êtes  pas obligé et vous répondrez seulement si vous le désirez. Mais si vous parlez, tout ce que vous diriez sera consigné et,  le cas échéant, pourra servir de preuve (12). L'esprit profond de cette mise en garde  solennel vise à réduire la tentation de recourir à des méthodes douteuses pour obtenir l'aveu du suspect. L'objet de l'enquête policière de trouvant par-là même orientée non vers,  l'obtention (coûte que coûte) d'une confession mais plutôt vers la recherche des preuves matérielles de l'infraction. Des preuves susceptibles de rendre compte de la vérité et éventuellement de confondre le coupable devant le tribunal.

Actuellement, en Grande Bretagne, selon les dispositions du (police and criminel evidence act) lorsqu'un suspect arrêté n'est pas informé de ses droits les preuves obtenues à la suite de cette omission et notamment les confessions du suspect peuvent être exclues par le tribunal. Cette exclusion n'est pas automatique ; elle est soumise à la discrétion du juge (13).

Toujours en Grande Bretagne la droit au silence de l'accusé devant le tribunal qui le juge est respecté. D'abord, même si cette question est controversée,  le silence du suspect devant la police ne peut pas être retenu contre lui comme une preuve de culpabilité (14). Ensuite, l'accusé traduit devant le tribunal a le droit de parler ou de se taire s'il le désire. Mais s'il choisit de parler ses dépositions sont recueillies en tant que témoin et sous serment. Il est donc traité comme un simple témoin et interrogé à la fois par son avocat (examination in chief) et par le ministère Public (cross examination). Il faut noter alors qu'il n'a pas le droit de mentir (sous peine d'une condamnation pénale ; très peu appliquée en fait à l'encontre des accusés). Il faut noter également qu'il n'est plus protéger contre l'auto-accusation qui pourrait être déduite de ses déclarations. Mais si l'accusé opte pour ne point témoigner le ministère Public n'a pas le droit de faire des commentaires sur son silence. Cela signifie notamment qu'il n'a pas à en  tirer des conclusions dans un sens 
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12) Jalal Essaïde , op. Cit. , p. 23
13) P. Allbridge, « refrom movements in criminal procédure and the protection of humain rights in england », in movements to refrom criminal procédure ant to protect huma, right, Revue internationale de droit pénal. 64e années 3e et 4e trimestre 1993, p. 1115-1125 et notamment p. 1121 et SS.
14) hohn spencer, «La preuve en droit pénale anglais », «La preuve en procédure pénale comparée », op. Cit. , p. 84-103, p. 91
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Appuyant la culpabilité. Cependant le juge peut le faire «pourvu que ce soit d'une façon discrète » (15).

b. L'exemple des Etats-Unis
Aux Etats-Unis le droit au silence est un droit constitutionnel. Il est en rapport étroit avec  le cinquième et le quatorzième amendement de la constitution américaine. Le premier amendement visé en l'occurrence concerne l'interdiction de forcer la personne à témoigner contre elle-même (ce qui est désigné couramment par «privilège against self-incrimination »). Le seconde amendement visé à trait au droit à un jugement équitable (due process of law).(16) Et dans l'ensemble, la règle du silence est destinée à protéger le suspect contre les abus possibles de l'investigation policière tendant à lui extorquer l'aveu (17).

Dans la célèbre affaire Miranda V. Arizona (1966)la Cour suprême américaine décida que selon les dispositions du cinquième amendement de la constitution le suspect doit être avisé par la police des prérogatives dont il dispose pour éviter de s'auto-accuser,. Cette information obligatoire doit être prodiguée au suspect  dès que la police entend le mettre en état d'arrestation (18). L'aveu obtenu en violation de cette règle est entaché de nullité (19). Le contenu de la règle de Miranda (Miranda Rule) est devenu célèbre à travers les films et les feuilletons télévisés américains. Elle comporte quatre volets interdépendants. Le suspect après avoir été informé qu'il est en état d'arrestation doit être averti ) qu'il a le droit de demeurer silencieux, 2) que tout ce qu'il dira désormais pourrait être utilisé contre lui, 3) qu'il a le droit à être assisté par un avocat et 4) que s'il désire une telle assistance sans avoir les moyens de se l'offrir elle peut lui être prodiguée gratuitement. Ceci dit, le suspect peut ne pas utiliser ces prérogatives et répondre immédiatement aux questions qui lui sont adressées par la police. Par ailleurs, de très rares cas d'extrême urgence peuvent valablement fonder l'irrespect temporaire de la violation de la règle de Miranda (20).
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15)stephen J. Shullhofer, Frank & Bernice J. Greenberg »Rapport de synthèse pour les pays du common law », in «La preuve en procédure pénale comparée», op. Cit. , p. 35-42, p. 39.
16)Jhon J.Patrick and Richard C. Remy « Lessons on the consitution», Project 87 and the social science education consortium Whashington, D. C. 1987, P. 13 et 14.
17)B. J. George, Jr. , « Due process rights of the criminal defendant in the pre-trial phase » in « Procédure of the human righs in the criminal procedure of Eypt, France ant the United States », p. 12-66, p. 28.
18) sur la règle de Miranda voir Freda Adler, Gerhard O.W. Mueller &Willima S. Laufer « Criminal justice », Mc Graw New York 1996, p. 113 et SS. Et George F. Cole «the american system of criminal justice », Brooks/cole publishing company monterey California, 1982, p. 185 et SS. 
19)mais un aveu ultérieur du suspect venant à la suite d'une nouvelle procédure ayant respecté l'obligation d'information voilé précédemment peut être retenu s'il n'a résulté d'aucune sorte de contrainte B. J. George, Jr. « due process rights of the criminal defendant in the pre-trial phase », op. , P. 31.
20)op. Cit. p, 30.
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Aux Etat-Unis si l'accusée choisit de se taire devant le tribunal cette attitude ne peut être en aucun cas interprétée contre lui par les magistrats. Sous cette optique le procureur et le juge sont tenus de ne pas faire de commentaires défavorables sur son silence. Et pour plus de sûreté l'accusé est en droit de demander que les jurés soient avertis que son silence ne doit engendre aucune présomption négative contre lui (21).

B- Consécration du droit au silence par le système latino-germanique
Dans des codes historiquement d'inspiration inquisitoire le droit au silence risque d'être oublié par le législateur au profit  de la suprématie traditionnelle reconnue  à l'Etat. En fait, la situation est plus complexe dans ce domaine. Rappelons quel existe depuis la fin du XVIIIe siècle une tendance à rapprocher le système inquisitoire de la «transparence » du système accusatoire. Et cette tendance s'est accélérée récemment sous l'effet entraînant de la culture américaine et l'impact de certaines normes internationales en matière  de droit de l'homme (due process, procès équitable). Dès lors il nous est apparu que la consécration du droit au silence dans les codes latino-germaniques varie considérablement d'un pays à l'autre. Certains pays se situent presque au niveau du système anglo-saxon. D'autre se trouvent consécrations textuelles explicites du droit au silence se situent à des stades divers du déroulement de la procédure d'investigation pénal. Certains ont l'avantage d'être placées aux premières phases de celle-ci d'autre ne sont retenues qu'à une phase ultérieure. La première formule (précoce) a l'avantage par à la seconde (plutôt tardive) de contribuer à réduire le champ de la controverse sur l'étendue de l'admission du droit au silence. 

A. Consécration précoce du droit au silence 
Nous nous contenterons de retenir en l'occurrence pour leur grand intérêt, à notre sens, l'exemple portugais et allemand. Quitter à ne citer ou à ne faire allusion à d'autres exemples que dans nos références.
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21)Stephen. J. Shulhofer, Frank & Bernice j. Greenberg, op. Cit. ; p. 40.
similaire à celle de la Grande Bretagne et d es Etats-Unis la situation du Canada mérite d'être rapidement mentionnée. Au canada le droit au silence de l'accusé est prévu par la charte des droits et des libertés intégrées dans la constitution de 1982 l'article 7 de la charte protège explicitement l'accusé contre l'auto-incrimination. Des arrêts de la Cour suprême en ont déduit le droit au silence de l'accusé qui couvre toutes les phases du procès pénal (depuis l'arrestation du suspect  par la police jusqu'à son jugement définitif. Cf. Pierre Béliveau, «La preuve en droit canadien », in «la preuve en procédure pénale comparée », op. Cit. p. 117, 145. 149 et 158 et SS.
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Une des consécrations les plus explicites que nous avons pu trouver du droit au silence est prévue par le code de procédure pénale portugais. Son article 61-1 accorde à l'accusé «en toute phase du procès » le droit de ne pas répondre aux questions qui lui sont adressées sur les faits qu'on lui reproche et sur le contenu des déclarations qu'il émet à leur propos quelle que soit l'autorité qui les pose(22). Le droit de se taire concerne ici toutes les phases de la procédure y compris celle relative à l'enquête policière (qui pose en principe le plus de problème à la défense)(23). Par ailleurs, l'article 345-1 du même code précise que le président (du tribunal)  informe l'accusé qu'il est libre à tout moment de faire des déclarations à l'audience, à condition qu'elles concernent l'objet du procès et que s'il choisit de se taire son silence ne lui portera point préjudice (24). En outre, durant l'interrogatoire par les juges et les jurés l'article 345-2 permet à l'accusé de refuser de répondre à une  partie ou à la totalité des questions, sans que cela lui porte préjudice (25). Il importe de souligner cette insistance textuelle sur le fait que le silence en soi ne doit  pas être interprété contre l'accusé. Elle aurait à notre sens une double portée ; d'un côté elle s'adresse à l'accusé pour lui permette d'assurer librement sa défense et d'un autre côté aux juges qui sont sensés respecter le silence en question et éviter de le lui attribuer quelque signification négative.

L'article 136 du code de procédure pénale allemande commande à la police avant de commencer à interroger le suspect de l'informer sur son droit au silence et à l'assistance d'un conseil (26). Il ressort du même article que le suspect a également le droit de consulter un avocat à tout moment de la procédure y compris avant le premier interrogatoire effectué par la police. La présence de l'avocat durant l'interrogatoire du suspect par la police n'est pas prévue par les textes. Cependant, la police la tolère parfois et notamment face à l'attitude du suspect qui refuse de parler sauf en présence de son défenseur (27). La loi oblige également le juge à l'audience d'avertir l'accusé de son droit au silence (art. 243 al. 4). En définitive, on  peut affirmer que le droit pénal allemand
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2) …. In op. Cit. , p. 307
23)voir A. Rodriguez, «La preuve en procédure pénale et portugaise », in «La preuve en procédure pénale comparée », op. Cit. , P. 289-319 et notamment, p. 306-307.
24)op. Cit. , p.308
25) op. Cit. , p. 308
26) le code de procédure pénale allemand date du 7 avril 1953 et a été modifié à plusieurs reprises. Les dispositions qui concernent dans le corps du texte datent de 1964, voir dans ce sens Reger Merle, «Le rôle de la défense en procédure pénale comparée », Revus de science criminelle, 1970, p. ? et SS.
27) peter hümerfeld, «La preuve en procédure pénale allemande », in «La preuve en procédure pénale comparée », op. Cit.  p. 5781 et notamment, p. 64-65
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Semble être à fait conscient de la nécessité de protéger le justiciable devant les juridictions répressives contre l'auto-accusation (28).

Il importe de souligner à l'occasion que certaines législations latino-germaniques tendent dans certains car la menace d'une sanction pénale à interdire à l'accusé de se défendre par des mensonges. A titre d'exemple cette obligation est sanctionnée parle code pénal italien en cas de déclaration d'une fausse identité (art, 66) de mensonge sur ses antécédents, de fausses auto-accusations et notamment celle d'avoir perpétré une infraction qualifiée de crime (art. 368-369) (29).

B. Consécration tardive du droit au silence
Nous retiendrons ici à titre d'exemple les droits criminels français et marocain. Les liens historiques tissés entre les deux ont longtemps fait que le premier (datant de 1958) soit une source très vive d'inspiration pour le second (datant du 10/2/1959), même si en fin de compte leurs évolutions se sont souvent fait dans des directions différentes.

En ce qui concerne d'abord le droit pénal français nous avons été très étonnés de constater que Merle et Vitu ne consacrent dans leur célèbre traité  de droit criminel qu'une seule phrase au droit du silence :
«La personne poursuive peut toujours se refuser à répondre si elle estime cette attitude plus confortable aux intérêts de sa défense et nous réserve pour les magistrats et jurés, du droit de tirer de cette attitude toute conséquence utile à la formation de leur conviction (30). »

Doit-on pour autant affirmer que le droit au silence est un parent pauvre de la procédure pénale français ? Il semble plus prudent d'adopter une attitude plus nuancée. Certes, le droit au silence n'est affirmé explicitement nulle part dans le code de procédure pénale français lors de la phase d'investigation policière. C'est en vain que l'on cherche dans les garanties accordées au suspects gardés à vue une telle prérogative (voir notamment les articles 63, 64 et 65 p. p. tels que modifiés par la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993). En outre, si l'officier de la  police judiciaire est habilité à entendre toute personne
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28)pour le japon où le droit au silence est prévu explicitement par les textes répressifs durant toutes les phases de la procédure d'investigation et de poursuite, voir Yuji shiratori. « La preuve en procédure pénale japonaise ». In «la preuve en procédure pénale comparée ». Op. Cit. , P. 237-249 et notamment, p. 242 et p. 244 situation comparable en Suisse, voir dans sens Henri Pierre Bolle «la preuve en procédure pénale Suisse » in «la  preuve en procédure pénale comparée » op. Cit. , P. 345-364 et notamment, p. 359.
29) Piermaria Corso, «La preuve en procédure pénale italienne », in «La preuve en procédure pénale comparée », op. Cit. , p. 205-236 et notamment, p. 214. CF le droit criminel suisse in Henri Pierre Bolle, op. Cit. , P. 359 et SS. CF. également A. Rodriguez, op. Cit. 306.
30) R. Merle et  A. Vitu, op. Cit. , p. 166 
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Sur les faits  ou sur les objets ou document saisis (art. 62), le procès verbal de l'audition sous garde à vue doit mentionner la durée des l'interrogatoires auxquels la personne a été soumis, les repos qui ont séparé ces interrogatoires, la date exacte et l'heure du début de la fin de la garde à vue (art. 64). Par ailleurs, en tant que moyen de preuve l'interrogatoire doit respecter les impératifs de loyauté qui devraient normalement empêcher de contraindre le suspect à déposer s'il le refuse (31).

Le droit au silence n'est prévu explicitement par les textes qu'une fois la personne suspecte  est déférée devant un juge d'instruction. Ce magistrat lors de la première comparution de mise en examen devant lui doit l'avertir qu'il ne peut être interrogé immédiatement sans son accord. L'accord en question doit alors être recueillis devant son avocat. Cela dit, si le mise en examen désire faire des déclarations, renonçant ainsi à son avocat. Cela dit, si le mise  en examen désire faire des déclarations, renonçant ainsi à son droit au silence elles sont régulièrement consignées par le juge d'instruction (art. 115 al. 2). Dans un système où l'interrogatoire est un moyen primordial d'obtenir l'aveu et où l'aveu reste une preuve très appréciée par les juges nous ne pouvons qu'associer notre voix à celle de Maurice Garçon qui dénonça (en 1949 déjà !) La garantie hypocrite qui consiste à exiger la présence d'un avocat lors de l'interrogatoire du juge d'instruction à la suite d'un long interrogatoire effectué par la police sans contrôle (32).

Devant le tribunal l'accusé bien entendu peut choisir de se taire. Assurément, c'est là où il risque le moins d'être maltraité ou contraint à parler vu en principe le caractère public des audiences. Mais là aussi si l'on se tient à l'avis, cité plus haut, de deux orfèvres du droit pénal français il le fera à ses risques et péril. Le juge peut interpréter son silence comme il l'entend selon son intime conviction.
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31)Cf. Op. Cit. , P. 139 et SS. 
32) Maurice Garçon, «Le Monde du 13/4/1949 », cité dans J.C. Lauret et R. Laisiera. « La tortue et les pouvoirs » Balland, paris 1973, p. 35
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* La Gazette des Tribunaux du Maroc, n° 77/78,  page 64.
  

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